Triste journée pour la Justice

Publié le par Marion

Aujourd'hui nouvel article, actualité oblige. 

J'essaierai à l'avenir de poster aussi des articles sur ce blog en rapport avec l'actualité politique américaine. Et en discutant avec des amis restés en France, je me suis aperçue que dans l'Hexagone, on parle beaucoup du cas de Troy Davis. 

En atteste, cet excellent article extrait du blog d'Hélène Ladier, une amie SciencePiste, que je vous recommande vivement. Voici le lien vers son blog, et ci-dessous son article sur le sujet. 


http://t-as-vu-ma-plume.over-blog.com/article-le-coup-d-oeil-les-voyages-immobiles-84078241.html


Je vais par la suite essayer de vous parler des différentes positons des politiques américains sur la peine de mort.

 

Mais d'abord l'excellent article d'Hélène : 

 

 

                    Le cas Troy Davis - Piqûre de rappel sur la peine de mort...

 


Pas de leçon de morale, juste une piqûre de rappel. Troy Davis devrait être exécuté aujourd’hui aux Etats Unis, pour un meurtre qu’il aurait commis il y a vingt ans. Seulement on n’a aucune preuve de sa culpabilité, et sept des neuf témoins qui l’accusaient se sont depuis rétractés.  

Alors un rappel, quelques jours après le trentième anniversaire du discours de Robert Badinter  pour le vote de l’abolition de la peine de mort, sur ce qu’est la peine de mort, ou plutôt ce qu'elle n'est pas: ni un moyen efficace de dissuasion, ni un châtiment juste, ni un exemple pour la société et dans l'Histoire.


  "Oh ! nous sommes le dix-neuvième siècle ; nous sommes le peuple nouveau ; nous sommes le peuple pensif, sérieux, libre, intelligent, travailleur, souverain ; nous sommes le meilleur âge de l'humanité, l'époque de progrès, d'art, de science, d'amour, d'espérance, de fraternité ; échafauds ! qu'est-ce que vous nous voulez ? Ô machines monstrueuses de la mort, hideuses charpentes du néant, apparitions du passé, [...] Vous êtes les choses de la nuit, rentrez dans la nuit. Est-ce que les ténèbres offrent leurs services à la lumière ? Allez-vous-en.Pour civiliser l'homme, pour corriger le coupable, pour illuminer la conscience, pour faire germer le repentir dans les insomnies du crime, nous avons mieux que vous, nous avons la pensée, l'enseignement, l'éducation patiente, l'exemple religieux, la clarté en haut, l'épreuve en bas, l'austérité, le travail, la clémence. Quoi ? du milieu de tout ce qui est grand, de tout ce qui est vrai, de tout ce qui est beau, de tout ce qui est auguste, on verra obstinément surgir la peine de mort ?" -- Victor Hugo, Aux habitants de Guernesey (1854) 


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 "En étudiant l'Histoire, non dans les éditions expurgées, destinées aux élèves et étudiants, mais dans les textes de ceux qui, à chaque époque, disposaient de l'autorité, on est grandement écoeuré non par les crimes des méchants, mais par les châtiments que leur infligent les bons. Une communauté est bien plus traumatisée par l'usage habituel du châtiment que par l'apparition occasionnelle de crimes et délits. "-- Oscar Wilde, The Soul of Man under Socialism (1891)


 "L'exécution capitale n'est pas simplement la mort. Elle est aussi différente, en son essence, de la privation de vie, que le camp de concentration l'est de la prison.Elle est un meurtre, sans doute, et qui paye arithmétiquement le meurtre commis. Mais elle ajoute à la mort un règlement, une préméditation publique et connue de la future victime, une organisation, enfin, qui est par elle-même une source de souffrances morales plus terribles que la mort. Il n'y a donc pas équivalence.Beaucoup de législations considèrent comme plus grave le crime prémédité que le crime de pure violence. Mais qu'est-ce donc que l'exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé ?Pour qu'il y ait équivalence, il faudrait que la peine de morte châtiât le criminel qui aurait averti sa victime de l'époque où il lui donnerait une mort horrible et qui, à partir de cet instant, l'aurait séquestrée à merci pendant des mois. Un tel monstre ne se rencontre pas dans le privé." -- Albert Camus, Réflexions sur la guillotine (1958)


 En fait, ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles.Et si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n'auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous les admirons, mais ils n'hésitent pas devant la mort. D'autres, emportés par d'autres passions, n'hésitent pas non plus. C'est seulement pour la peine de mort qu'on invente l'idée que la peur de la mort retient l'homme dans ses passions extrêmes. Ce n'est pas exact. - Robert Badinter le 17 septembre 1981 


Il est très intéressant de lire le discours de Robert Badinter et son déroulé à l’époque à l’Assemblée nationale, afin de comprendre les réticences à l’œuvre il y a trente ans.  Par exemple : Le garde des sceaux.

Examinez simplement ce qui est la vérité. Regardez-la.J'ai rappelé 1791, la première Constituante, la grande Constituante. Certes elle n'a pas aboli, mais elle a posé la question, audace prodigieuse en Europe à cette époque. Elle a réduit le champ de la peine de mort plus que partout ailleurs en Europe.La première assemblée républicaine que la France ait connue, la grande Convention, le 4 brumaire an IV de la République, a proclamé que la peine de mort était abolie en France à dater de l'instant où la paix générale serait rétablie.

 
M. Albert Brochard. On sait ce que cela a coûté en Vendée !

 
Plusieurs députés socialistes. Silence les Chouans ! 

 Quand on pense que Marine Le Pen appelle de ses vœux le rétablissement de la peine de mort… Aucune société n’est à l’abri. "Ce qui plaide le mieux en faveur de l'abolition de la peine de mort, ce sont les argument qu'emploient ses partisans, et leur mentalité." -- Arthur Koestler, Réflexions sur la Peine Capitale

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On ne peut qu'être en accord avec les propos d'Arthur Koestler. Toutefois, les mentalités n'évoluent ni de la même façon, ni à la même vitesse de l'autre côté de l'Atlantique. 
Tout d'abord la réponse à certains points soulevés par les pourfendeurs de la peine de mort : (site du NCADP)

 1. Executions are carried out at staggering cost to taxpayers.

It costs far more to execute a person than to keep him or her in prison for life. A New Jersey Policy Perspectives report concluded that when the state had the death penalty, it cost New Jersey taxpayers $253 million since 1983, a figure that is over and above the costs that would have been incurred had the state utilized a sentence of life without parole instead of death.  (New Jersey abolished capital punishment in December 2007). 

 

2. Capital punishment does not deter crime. 
Scientific studies have consistently failed to demonstrate that executions deter people from committing crime any more than long prison sentences. Moreover, states without the death penalty have much lower murder rates. The South accounts for 80% of U.S. executions, and has the highest regional murder rate.

3. States are unable to prevent accidental executions of innocent people.
The wrongful execution of an innocent person is an injustice that can never be rectified. Since the reinstatement of the death penalty, at least 138 men and women have been released from death row nationally – some only minutes away from execution. Moreover, in the past two years, evidence has come to light that indicates that four men may have been wrongfully executed in recent years for crimes they did not commit - an error rate that is appalling and unacceptable when talking about life and death. 
4. Race plays a role in determining who lives and who dies. 
Since 1977, blacks and whites have been the victims of murders in almost equal numbers, yet 80% of the people executed in that period were convicted of murders involving white victims.

5. The death penalty is applied at random. 
Politics, quality of legal counsel, and the jurisdiction in which a crime is committed are more often the determining factors in a death penalty case than the facts of the crime itself. The death penalty is a lethal lottery: of the 22,000 homicides committed every year, approximately 150 people are sentenced to death.

6. Capital punishment goes against almost every religion. 
Although isolated passages of religious scripture have been quoted in support of the death penalty, almost all religious groups in the United States regard executions as immoral.

7. The U.S. is keeping company with notorious human rights abusers. 
The vast majority of countries in Western Europe, North America and South America — more than 128 nations worldwide — have abandoned capital punishment in law or in practice. Year after year, only three countries execute more prisoners than the United States – China, Iran, and Saudi Arabia.


Toutefois, malgré ces arguments plus que percutants, une démocratie comme les Etats-Unis pratiq
ue toujours la peine de mort. 


Même si, par le biais d'exécutions très controversées, de plus en plus d'américains se déclarent contre la peine de mort, il sont encore 2/3 a être en faveur.
Une étude, conduite par l'institut de sondage Gallup a montré que 34% des américains pensent qu'une personne innocente a été exécutée. Et pourtant, ils se prononcent quand même pour maintenir la peine de mort...

Ceci est à la fois illogique, et surtout horrible. N'y a-t'il pas plus injuste que l'exécution d'une personne innocente ?  

Mais revenons-en à la politique américaine. Avec le cas Troy Davis, la peine de mort est plus que jamais centrale dans les débats, et ce du fait de la montée en puissance d'un candidat républicain déclaré : Rick Perry, qui fait la Une du Time daté de cette semaine.
Perry, actuel gouverneur du Texas, Etat des plus républicains, a présidé à plus de 235 exécutions...

La résurgence du débat pourrait également obliger le Président Obama a enfin choisir de quel côté il se positionne sur la question. Mais le Président n'oubliera peut-être pas comment, 
Michael Dukakis perdit l'élection présidentielle de 1988 en faveur de George Bush Sr, lorsque ce dernier apparut "soft" quant à la question criminelle.  En effet, durant un débat, un journaliste lui demanda si il serait toujours contre la peine de mort si sa femme était tuée... Sa réponse fut : 
"I think there are better and more effective ways to deal with violent crime." Beaucoup d'analystes politiques virent en cette réponse la principale cause de sa défaite.


Mais pour revenir à l'enjeu actuel, j'ai été vraiment choquée, peut-être ma vision d'européenne moyenne, car durant le débat républicain dans la Reagan Library (Cf article Internship), lorsque le commentateur a parlé du triste bilan mortuaire de Perry, la foule a applaudit :


"Your state has executed 234 death row inmates, more than any other governor in modern times," NBC's Brian Williams told Perry amidst applause from the audience. "Have you struggled to sleep at night with the idea that any one of those might have been innocent?"


"No, sir, I've never struggled with that at all," Perry responded. "In the state of Texas, if you come into our state and you kill one of our children, you kill a police officer, you're involved with another crime and you kill one of our citizens, you will face the ultimate justice in the state of Texas, and that is you will be executed."


La vidéo : 


Les mots et les images 
parlent d'eux-même, je crois que l'on peut se passer de commentaires.


Alors ne serait-il pas grand temps pour le Président Obama, lauréat du Prix Nobel de la Paix, rappelons-le, de se positionner enfin contre la peine de mort ? Le pari est hasardeux, certes, mais ne serait-ce pas là un moyen d'affirmer sa stature politique, et d'oublier pour une fois la politique du compromis ? 

"La peine de mort est contraire à ce que l'humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble". - Jean Jaurès.

"L'hérétique n'est pas celui que le bûcher brûle, mais celui qui l'allume". - Francis Bacon.

Publié dans Vie Américaine

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